
La pollinisation partie 2 : pourquoi il ne faut pas planter que des géraniums
- Posted by rachel
- On 2 Oct, 2020
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Pourquoi les tomates préfèrent-elles les bourdons ? Et pourquoi avons-nous besoin de centaines d’espèces d’abeilles sauvages pour la pollinisation alors qu’il existe déjà tellement d’abeilles domestiques ?
Dans notre premier article sur la pollinisation, nous nous sommes penchés sur le rôle des abeilles sauvages. Posons-nous maintenant une question provocante : il existe 1000 espèces d’abeilles en France ; pourquoi en faut-il autant ? S’il s’agit simplement d’amener du pollen d’un point A à un point B, les abeilles domestiques ne sont-elles pas assez nombreuses ? Que font les 999 autres espèces pendant ce temps ?
Chaque espèce d’abeille sauvage occupe une niche
Comme l’a dit un célèbre biologiste de l’évolution : « Nothing in biology makes sense except in the light of evolution. » (« Rien en biologie n’a de sens, excepté à la lumière de l’évolution. » Theodosius Dobzhansky). C’est aussi le cas ici : il a fallu des millions d’années pour atteindre la diversité actuelle des espèces d’abeilles.
Chacune de ces espèces occupe une niche qui lui est propre, ce qui lui confère un léger avantage par rapport aux autres espèces. Les 1000 niches que les abeilles occupent chez nous existent grâce à un processus nommé coévolution : deux espèces se sont développées conjointement, se sont influencées mutuellement et se sont adaptées l’une à l’autre. Les abeilles et les plantes constituent l’exemple parfait pour ce processus : les abeilles se sont adaptées à leurs plantes de façon à pouvoir toujours trouver assez de nourriture. Quant aux plantes, elles savent que leur pollen arrivera chez un autre individu de la même espèce grâce au moyen de transport que sont les abeilles.
Les tomates n’aiment pas les abeilles domestiques

Qu’est-ce cela signifie concrètement ? En raison de la coévolution, des abeilles généralistes (pollinisant un grand nombre de plantes différentes) et des abeilles spécialistes (pollinisant peu d’espèces ou une seule espèce) ont vu le jour.
Les abeilles domestiques sont généralistes : actives tout au long de l’année, elles pollinisent un nombre considérable de plantes. Mais cela ne concerne pas toutes les plantes et, bien souvent, la pollinisation n’est pas de très bonne qualité. De nombreuses solanacées, telles que les tomates, ne peuvent pas être pollinisées par ces abeilles car le pollen est dissimulé dans leurs fleurs.
En revanche, les bourdons et d’autres espèces d’abeilles parviennent à recueillir ce pollen dissimulé en secouant les fleurs. Le bourdon a l’avantage d’être la seule espèce à pouvoir utiliser cette source de pollen, et la tomate est ainsi assurée que son pollen soit bien remis à une autre tomate et pas à une chicorée. Appelé mutualisme, ce processus est encore bien plus marqué dans le cas d’autres relations entre abeilles et plantes. Par exemple, l’osmie crochue butine uniquement la vipérine.
Les plantes ont leurs astuces

Comment cette spécialisation se met-elle en place ? La forme et la taille des fleurs peuvent jouer un rôle. Ainsi, une abeille charpentière, aux dimensions imposantes, a des difficultés à butiner les petites fleurs délicates. La période de floraison peut également être cruciale : un cerisier fleurissant tôt ne peut être pollinisé que par les rares espèces volant aussi tôt dans l’année. C’est par exemple le cas de l’abeille maçonne, mais pas des abeilles d’été.
Heure de la journée : certaines fleurs ne s’ouvrent que brièvement afin que les papillons actifs de nuit ou au crépuscule puissent les polliniser.
Teneur en nutriments du pollen : une espèce d’abeille ne peut pas forcément digérer n’importe quel pollen, donc elle ne butine pas certaines fleurs. Certains pollens sont même toxiques pour les pollinisateurs généralistes.
Une plus grande diversité végétale sert aussi aux abeilles sauvages
Qu’est-ce que cela signifie pour la protection des abeilles ? La réponse est très simple : il faut aussi protéger les plantes ! Il ne suffit pas de planter deux, trois ou même dix espèces ; en effet, seules les rares espèces généralistes, comme les abeilles domestiques et quelques autres espèces, en profiteraient.
Mais le premier pas en ce sens est accessible à tous les propriétaires de jardin : ne tondez pas une partie de votre gazon et, avec un peu de chance, différentes fleurs sauvages y pousseront (rendez-vous ici pour en savoir plus). Si vous voulez favoriser certaines espèces d’abeilles, plantez les plantes dont elles se nourrissent dans votre jardin et sur votre balcon.

Cela ne veut pas dire pour autant que vous devez jeter tous vos beaux géraniums. Mais, au moment de replanter, vous pouvez en remplacer un ou deux par de la vipérine et du sainfoin afin de perpétuer les miracles de l’évolution. Rendez-vous ici pour obtenir de nombreux conseils sur la façon dont vous pouvez attirer davantage d’abeilles sauvages sur votre balcon et dans votre jardin.
Au fait : l’évolution n’est pas un processus achevé. Chaque jour, notre écosystème se transforme un peu, même si nous ne le remarquons pas. Si vous laissez un peu la nature suivre son cours dans votre jardin, ce processus a également lieu chez vous. Et qui sait ce qui en découlera, dans 5 millions d’années…
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